Les mots de la faim

Le matin à 11 H, Moneuy prit sa petite voiture et se dirigea vers l'une de ses places préférées. c'est une clairière en bordure d'une rivière que surplombent deux gigantesques Eucalyptus.Il se gara entre les deux énormes troncs ,alluma son auto-radio sur la fréquence d'Alger et se perdit dans la lecture de son quotidien . En ces journées de Jeûne ,dans les circonstances aggravantes de cette année, la lecture demeure pour certains l'un des moyens de tromper la faim et passer le temps en attendant le coucher du soleil .



A quelques mètres plus loin ,du côté du cimetière,une demi douzaine de triplettes de pétanque viendront remplir l'atmosphère avec leurs chamailleries pour des histoires de "ptit"et de quelques millimètres ,il se dit que cela ne doit point être amusant un jeu où l'on est toujours en famille et sourit de sa boutade . Pour l'instant ,rien ne venait rompre ce silence paisible de la mi-journée. Pour les musulmans qui jeûnent et qui s'attardent dans leurs lits le matin,l'envie de manger ne vient pas tout de suite . Elle surviendra vers quinze heures .Le taux de sucre commençant à baisser c'est la parenthèse ouverte à l'énervement ,parfois feint , et des chamailleries pour des broutilles .

Là ,si stoïque qu'on soit il faut éviter de trop taquiner son prochain,car certains qui carburent à l'alcool s'enflamment vite .De même que les fumeurs qui rendent le premier quidam qui les contrarie , responsable de leur dépendance et de leur mal de tête .Et puis Un mufti de derrière les fagots, et dont le nom coule de source , n'a -t-il pas déclaré que la prise de médicament sans eau ne rompt pas le jeûne ,il est vrai qu'il n'a pas parlé des sirops diluables à l'eau plate bouillie , à défaut d'eau minérale,qu'on appelle des antibiotiques. C'est à ce chapitre qu'il a quitté l'école il est donc excusable .

Il pourrait néanmoins rétorquer , polémiste comme tous les érudits que le malade pourrait remplacer le sirop par la formule comprimé pour laquelle il n'a pas besoin d'eau (c'est discutable!), très bien! une lumière de son époque ... Le hadith ne dit-il pas que chaque siècle nous serait envoyé un homme qui viendrait renouveler notre foi, eh bien ne le voilà-t-il pas ? Mais le malade qui a besoin de médicament est déjà autorisé explicitement à rompre le jeune s'il ne peut continuer et de le rembourser plus tard ou de donner une aumône aux pauvres .Alors pourquoi autoriser ce qui l'est déjà , de bien meilleure expression et par plus digne et plus légitime de le faire ?

Ah ces sacrés fkih ! Comme si tout était bien dans le meilleur des mondes possibles ,tel que dirait Leibniz, et que rien ne restait à dire que de chercher à enfoncer des portes ouvertes et légalisent même la sucion mammaire pour exorciser la tentation malsaine entre collègues de bureaux .Un autre ,plus renommé encore , puisqu'il s'agit non moins que de Jamal El Benna ,l'égyptien qui aurait émis une fatwa selon laquelle il est permis de fumer pendant le Ramadan, il est vrai que celui là aussi n'a pas vu la tragédie qui se joue en royaublique d'Égypte et dans laquelle le silence des frères est et leur discours mitigé est des plus compromettants . Pourquoi pas une fatwa sur l'héritage du pouvoir et les lois sur les mesures discriminatoires ,sans parler de l'état d'urgence qui perdure et compromet toutes formes d'élections . C'est là un phénomène purement Arabe qui devrait être enseigné dans les hautes écoles de la muflerie, pour l'obtention du doctorat en goujaterie ,en plus des sorties xénophobes Sarkoziennes en option .Ou encore la fatwa jazirativisée d'un Souffiani qui taxe d'athéisme tout musulman qui romprait son jeûne avec des dattes d'origine israélienne ,visez donc la surenchère gratuite !lLes dattes ne sont que l'arbre qui cache la forêt des millions de dollars échangés chaque année avec l'etat hébreu, par tous les pays arabes qui claironnent le boycott de celui qu'ils ne peuvent même plus officiellemnt nommer comme ennemi . N'avez-vous pas remarqué qu'aucun imam ne bâve plus à la fin de son prêche de vendredi ,en priant allah de détruire les "sahayinats " et ne demandent plus que leurs femmes et leur argent soient un butin pour nous ...(?!)

De plus le Jamal n'est sans doute pas fumeur et ignore donc qu'il n'y a aucun plaisir à fumer le ventre vide. Il faut savoir de quoi on parle et pour muftier il faut bien connaître son terrain ...Sans oublier que la fumée est strictement prohibée par l'ensemble des ulémas .Comme s'il n'y avait pas, là aussi, beaucoup d'autres choses à interdire avec autant de ferveur. L 'islam c'est pas seulement l'apprentissage des ablutions et des actions qui les annulent , c'est aussi le mode de gouvernance ,la politique de tous les jours ,la corruption, le vol , la prostitution ,les coups bas des faux frères Arabes, le manque d'emploi, la gestion des affaires publiques etc...

Un homme passa à vélo ,il enfourchait une vieille mécanique ,de ces engins sans freins ni garde-boue ,ni allumage, qu'on désigne en berbère par l'expressionniste mot "Aferrwad" ;les freins ?,inutiles d'ailleurs puisque les semelles des sandales "lkardoun" courantes sont faites en pneu de camion ,ce qui en fait une énorme patène ,(ne jouez pas avec les maux des autres!) ,très efficace et facilement maniable pourvu qu'on ait des mollets puissants . il remontait péniblement la pente asphaltée de l'ancienne route d'Errachidia .Sur son porte bagage de fer forgé, qui brinqueballait dangereusement était attachée une houe si énorme qu'on ne pouvait que se poser la même question que vous ,une pompe à vélo dépeinte qui a dû être verte un jour très lointain, avec son raccord pendant au bout,une vieille chemise jaune noircie aux épaules et au col, et sur le tout siégeait en Spartacus un bambin de quatre ans au crâne rasé ,qui s'agrippait nerveusement à la vieille chemise délavée de son vieux père qui pouvait se déchirer à n'importe quel instant.


Ce pauvre hère ne savait guère s'il devait continuer de pédaler, au risque de voir chavirer l'enfant qui s'était mis debout sur le porte bagage ou bien s'arrêter et remettre l'"azeghwad" (2) à sa place .l'instinct paternel a dû finalement l'emporter dans la tête du paysan car il mit pied à terre quelques mètres plus loin sur la terre plate .Mais voilà que le gosse persistait à s'accrocher des deux menottes à la chemise de son père qui ne pouvait par conséquent descendre de son engin.Il eut une minute d'hésitation ,puis tendit nerveusement la main gauche et saisit celle de l'enfant qu'il tira et désarçonna avant de le poser délicatement sur le sol.Il descendit lui même de selle et ils continuèrent tous les deux à pied.Ils en auront pour une quinzaine de minutes avant d'atteindre le cimetière ,et juste derrière les morts il y a les vivants ...dans les deux sens !

Moneuy regardait cette scène qui se déroulait evant lui .Il avait un instant esquissé le geste d'ouvrir la portière et d'aller vite aider ce vieil homme mais il se ravisa la seconde d'aprés en constatant que celui-ci ,encore assez vigoureux ,s'en tirait finalement sans dommages .Il regarda la montre ,il était 13h30,c'était le momentde rentrer.Aprés trois heures passées à parler de littérature et de grammaire cela vous séche le corps , le métier d'enseigner est un métier physique ,quoi que l'on en pense ,il requiert une bonne forme régulière pour résister aux différentes contraintes et aujourd'hui à beaucoup de désillusions. La sieste ,aprés une demi journée de travail est un sacerdoce auquel il s'applique été comme hiver,un jour sur deux durant l'année scolaire .Il roula lentement le long de l'unique boulevard de la ville .La circulation était inexistante ,quelques piètons ébahis par le soleil tapant fort ,écarquillaient encore les yeux pour adapter le zoom de leurs yeux avec l'intensité lumineuse en ASA.

La petite ville accrochée au seuil de l'asdrem ,notre montagne fétiche ,s'est étendue vers le sud mais sans véritable infrastructure moderne en parallèle .Quelqu'un qui aurait vu cette ville en 1930 seraient étonnés et doivent s'étonner ,s'il y en a encore de vivant et capable de s'étonner que rien n'ait changé sur le boulevard .Pire encore ,il a perdu beaucoup de sa superbe d'antan.Tout en avançant l'aiguille sur quarante comme dirait Oujilali ,que Dieu ait son âme,Mono se repassait au fur et à mesure les différentes images qui collaient encore à sa méloire ,ici des rosiers avec les pieds dans la rivière qui traversait tout le village ,voire le cernait par un prodigieux système de canaux et de puits qui nous laissait pantois .Là un vrai rond-point ,pas comme les tonneaux peints d'aujourd'hui qu'on installe sans vergogne dans les carrefours .Celui de naguère était dessiné scrupuleusement sous forme triangulaire isocelle qui était la plus adaptée au tracé des différentens routes qui y confluaient .Un petit jardin qui fleurissait au printemps de roses à l'arôme énivrant.Là le jardin était plus entretenu et plus visité ,il y avait à côté des chaises en béton sous forme de S qui étaient leurs lieux de rendez-vous préférés au village .il arrivait au niveau de l'ancien hôpital qui a vu passer des médecins illustrestels que Le docteur Pelligrin,Dr .Djould Alou le sénégalais et sa femme madame plous ,que Mono et ses camarades surnommaient ainsi parce qu'elle prononçais "plus " de cette façon lorsquelle leur enseignait les mathématiques .

Il tourna le coin de Boukrim le dépositaire du bureau de tabac et remonta la rue qui allait passer prés de l'éternel marché couvert ,comme le disait la plaque, dans lequel on adécouvert des malversations qui ont valu quelques années d'ombre à certains responsables. Le centre du village était désert ,comme aprés une alerte atomique ,sensation que renforçait le soleil qui vous bout la cervelle sous le crâne. Beaucoup de gens qui meublaient cet espace ont trépassé ,surtout les vieux .Les jeunes ici meurent plutôt dans des accidents de circulation ,surtout avec les nouvelles chinoises ,trés puissantes et peu maniables pour la taille moyenne sous ces latitudes. Les chinois étant plus courts, ils maîtrisent mieux la conduite de ces engins au guidon court et horizontal par rapport au point de gravité du corps . San ajouter que le frein avant hydraulique à disque ,est la cause de la quasi-totalité des accidents parce qu'il immobilise instantanément l'engin et précipite le conducteur en avant.Les plus avertis suppriment définitivement ce frein outhena !.

Arrivé chez lui il prit une douche pour se raffraîchir et reprit son journal.C'était l'heure où il lisait la dernière page avec la chronique sulfureuse de Nenni ,avec qui il partage beaucoup de convictions et à qui il reconnaissait beaucoup de talent stylistique dans le genre provocateur débridé qui lui plait.Il s'endormit avec le quotidien su le visage .Une heure et demi plus tard il ouvritspontanément les yeux,regarda sa montre ,il n'était que 16 heures,le jourétait encore long,encore trois heures de faim à tromper dans un bled où il est rare de trouver une distraction les autres jours ,que dire alors de Ramadan.Il pensa à faire du jogging sous le flanc de la montagne ,sur la piste cahoteuse habituelle mais il considéra que le soleil était encore trop fort,alors il se ravisa ,prit un roman intitulé " l'homme au chien gris " de Miche Duino ,et reprit sa lecture au second chapitre.C'est là son livre de chevet actuel, pas trés connu ,mais trés captivant par son style dépouillé et par la richesse de l'histoire du personnage .C'est l'histoire de la vie d'un saint chrétien canonisé qui s'appelle Jean Bosco qui a vécu et mourru au 19 ème siècle chrétien.La ténacité du petit jean ,sa patience face aux alléas de sa vie d'orphelin à 6 ans ,son courage dans l'adversité ,son humilité au sevice de son prochain marquèrent profondément Mono. Ceci d'autant plus qu'il retyrouvait les mêmes valeurs que préconisent et érigent en obligation le livre sacré musulman .Seulement dans l'histoire de Bosco ce sont des faits et pas seulement des paroles moralisatrices qui dorment au fond des livres.Les actions entreprises par ce saint homme traduisent dans les faits des idées que Mono ne voyait pas au quotidien dans les rues d'un pays musulman. Recueuillir des enfants orphelins ,leur apprendre un métier ,puis les héberger et en prendre soin avec les seuls dons des mécènes et une minuscule allocation gouvernementale au 19 ème siècle s'il vous plait,est un défi que ne pourraient jamais tenir aucune association de bienfaisance aujourd'hui chez nous .

(à suivre)

(1) vélo dans son plus simple appareil .

(2) le polisson .

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