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El Mustafa Ichi
Urbaniste, aménagiste et juriste. ATGDH |
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Le Maroc s'est engagé depuis le début des années 80 dans un processus de transformation sur les plans politique, économique et social. Celui-ci s'est accéléré au cours de ces dernières années dans le but de moderniser la société et l'économie. Ces facettes de développement, aussi majeures soient-elles, comptent dans le processus comme composante de changement, soient qu'elles peuvent être l'indicateur des carences ou de l'avancée de la démocratie locale dans un État de droit en parachèvement.
Or toute construction d'un État de droit et qui prétend être parachevée dépend pour une large mesure de la prise en considération des droits de citoyens vis-à-vis de l'autorité de l'administration et de l'État, mais aussi de la capacité des représentants des collectivités locales de gérer les affaires publiques conformément aux lois en vigueur. Notre objectif est de démontrer que la démocratie locale reflète la démocrate nationale et que l'échec de la gestion de la chose publique est avant tout, l'échec de la direction des affaires locales par les conseils communaux et régionaux. Quelles sont alors les failles du système de gestion municipale ? Dans quelles mesures ce système au Maroc pourrait transposer des mécanismes de gestion publique, urbaine moderne et managériale pour édifier une ingénierie du développement urbain ?
Dépourvues de potentialités nécessaires susceptibles de les faire évoluer en supports efficients à l'exécution des programmes de développement, les municipalités n'ont pas pu mettre une culture de municipalisme fondé autour des valeurs de partage de cohésion sociale et de solidarité. Elles sont livrées depuis des décennies à l'incurie des élus. Il n'est pas inutile de rappeler que la commune urbaine est une collectivité territoriale qui est dirigée par une équipe municipale élue par les citoyens et composée d'un président de plusieurs adjoints et de conseillers municipaux. Les domaines d'intervention de la commune et le rôle du président et de son équipe sont fixés dans la charte communale (78.00)
A tout moment, l'État peut faire voter une loi qui modifie ce cadre d'action. Les dernières modifications ont été très importantes par rapport à la loi de 1976 relatives à l'organisation communale. Ces nouvelles mesures ont attribué à la commune une plus grande indépendance de décision et de responsabilités supplémentaires.
En effet, l'engouement pour les affaires des collectivités locales est un engagement politique. Les conseilles communaux ou régionaux, lieux où se pratique la gestion des affaires locales, sont devenus en vertu de la charte communale de 2002, des partenaires effectifs de l'Etat. Ladite charte, au-delà des aspects techniques fondateurs, ouvre des pistes nouvelles pour une démocratie de proximité. Nous pouvons dire que la démocratie au Maroc repose sur trois gouvernements (locale, régionale et nationale) et que la commune, autre sa vocation quotidienne apparaît comme la plate-forme de cette démocratie, le miroir de la responsabilité et un défi de tous les jours.
Or sur le plan pratique, les choses ont l'aire de se dérouler autrement, car les réalités locales sont têtues et complexes. En effet l'investissement politique en faveur de certains espaces communaux est devenu très délicat. Car une démocratie locale ne peut pas être conçue en l'absence d'instances élues dans la transparence et dans le respect de la loi qui les gère.
Au lieu de respecter la loi, et les choix des citoyens, certains conseillers communaux, non seulement gèrent leurs affaires personnelles avec les moyens des collectivités, mais aussi pratiquent des attributions et les compétences dévolus aux présidents des conseils et non pas aux conseillers. Le plus grave encore, c'est lorsque les conseillers communaux en dehors du président et ses adjoints exerce au-delà de leur rôle délibérant au sein du conseil ou des commissions qui en dépendent, des fonctions administratives de la commune, de signer des actes administratifs, de gérer ou mieux encore de imiscer dans la gestion des services publics communaux.
A ce stade, il faut rappeler que le rôle des conseillers municipaux consiste à participer aux assemblées délibérantes et à exprimer par leur vote leur appui ou désaccord à propos des décisions administratives et politiques soumises pour approbation. La pratique de notre fonctionnement veut également qu'ils participent à des réflexions préliminaires sur ces sujets, lors de session de travail à huit clos. Leur réflexion et participation se prolonge également par diverses prestations à même les différentes commissions administratives du travail. Les commissions permanentes du conseil au nombre de huit ont été constituées par règlement officiel du conseil afin d'offrir un forum de réflexion sur différents sujets. Ces lieux d'échanges permettent à un groupe restreint d'élus et de fonctionnaires de raffiner et de circonscrire les sujets d'intérêt public. Quelque soit leur position au sein d'une commission (le chef de la commission de l'urbanisme par exemple) ces conseillers n'ont dans aucun cas le droit exercer soient même le service administratif en question.
Cet empiétement est puni par la loi (voire les articles 21 et 23 de la loi 78.00. Sous forme de recommandations, leurs travaux et suggestions sont par la suite acheminés à l'ensemble du conseil pour être débattus et convertis en décisions finales. Malheureusement, ce n'est pas le cas de la municipalité de Goulmima. Une commune où toute chose est autorisée et où la loi ne vaut rien, et les décisions se font à l'arbitraire et sans fondement. Les conseillers exercent la fonction de la police de l'urbanisme en faisant le contrôle des constructions, soit en arrêtant les travaux en chantier, ou en ordonnant de construire, suite aux relations d'amitiés ou d'appartenance même en violant la loi en vigueur. Quelle place donc pour l'art 64 de la loi 12/90 relative à l'urbanisme? La question ne se limite pas à ce stade, ils exercent également la gestion de service administrative, des tâches dévolues au secrétaire général communal conformément à l'art 54 bis de la loi 17.08 modifiant la charte communale, mais aussi font vider le contenu de la circulaire du 16 /6/2009 portant sur les dispositions particulières relatives à la délégation par le président communal de certains de ces fonctions à ses adjoints. A cela s'ajoutent leurs pratiques de service administratif tout en signant des correspondances administratives, des procès verbaux des commissions techniques et administratives, et adresse même des notes administratives ……. des compétences dévolues seules au président et à qui il a délégué entre ses adjoints, la fonction en question. Nous constatons également la pratique des autres actes irréguliers en vertu de la charte communale. A quoi sert donc cette charte si nous ne respectons pas ces dispositions ni prendre en compte son contenu ?
Au sens noble du terme, l'investissement politique en faveur de l'espace communal est devenu dans certaines communes une catastrophe. En effet, la représentation communale, lieu ou les représentants devraient assumer leurs responsabilités en servant de bons exemples pour les citoyens, lieu où se nouent les relations de représentation communale, nationales ne doit pas marquer une défaite. Cependant, les représentants communaux doivent abandonner la stratégie de l'arbitraire imprégné par le non la loi, une pratique qui éloigne jour après jour nos institutions publiques communales d'une modernité seule capable d'être le pendant naturel de processus démocratique avancé que notre pays est en train de concrétiser pour un Maroc de droit de type moderne.
Ce challenge démocratique passe nécessairement par la commune. Lorsque ce défi sera relevé, ces élites pourront demander avec toute crédibilité requise une autonomie effective dans la gestion locale, et un établissement de leurs prérogatives. La plus grande problématique que connaissent les municipalités réside bien dans l'insuffisance dans la formation des élus et le manque de savoir-faire dans le domaine de la gestion municipale. En effet, la majorité des municipalités sont suffisamment riches en ressources humaines capables par leur formation d'assurer la marche de la collectivité, mais ils ne sont pas exploités comme il faut. Ils sont dans une large mesure marginalisés quant à leurs fonctions. Les élus préfèrent se référer aux agents méconnaissant la loi, afin de faire passer les irrégularités que de faire appel aux cadres sérieux pour bien établir la chose publique. Elles disposent de ressources financières qui bénéficient en outre d'équipement administratif et technique qui leur permettent d'entreprendre. De même, la loi leur a donné toutes les possibilités de réaliser des recettes propres considérables, ce par l'exploitation de divers systèmes de production quels soit naturels ou culturels, mais aussi des taxes urbaines pouvant alimenter et de manière colossal leur budget propre, mais cela fait défaut.
A la municipalité de Goulmima, seuls 12% de la population urbaine payent leurs taxes urbaines malgré que l'ensemble de la population résidente bénéficie des mêmes services rendus par la commune. Quel intérêt y a-t-il pour la loi des finances locales si en marginalise son contenu et en expose l'application de ses dispositions à la merci des élus ? Avec quoi ces espaces vont réaliser leur développement local ?
A ceci il importe d'ajouter l'écart qui s'élargit entre les moyens financiers de nos villes et la montée vertigineuse des besoins des administrés. En défit des subventions allouées par l'Etat sous forme de la part dans 30% de TVA (subvention d'équilibre et d'équipement), ainsi que celles aperçues dans le cadre du fond de développement des collectivités locales (mise à niveau, l'INDH,…..) initiatives royales, les communes ont pu réduire les manques. Il reste que le niveau d'endettement de ces entités a dans la majorité des cas, atteint un seul critique. En plus, la beauté de l'architecture ancienne, les ksour et kasbah, sont sujettes à des agressions quotidiennes, soit sous forme de transgressions réglementaire, soit sous forme d'atteintes à l'environnement: cas des oasis de Tafilalet ou la déperdition des terres agricoles au sein de la palmerais par le bâti est considérable. Toutes ces considérations mettent au premier plan la question de la gestion municipale. Ce terme de gestion signifie l'administration de l'entreprise en terme notamment économique. Ce qui est parallèle à une évolution dans le domaine de l'administration du secteur public. Ce qui nous amène à constater sous la pression des faits la nécessité d'une gestion publique moderne capable d'assurer le changement.
Par ailleurs, la logique politique, a fait de nos villes, le théâtre d'un enjeu d'intérêt conflictuel, marqué par la mauvaise gestion des ressources financières. Face à une gestion municipale anarchique et sans consistance réelle, la population n'arrive toujours pas d'être à l'écoute par ses représentants en vue de satisfaire ses moindres attentes. A l'atonie du personnel municipal et son incompétence avérée s'ajoute le phénomène des projets municipaux sans suite opérationnelle. Toutefois, l'on constate avec beaucoup d'amertume que ces projets pâtissent encore soit d'un manque de suivi et d'une inertie dans leur mise en œuvre soit d'un délaissement total qui les rend non opérationnels bien que leur réalisation soit achevée.
En somme, certains dossiers, mettent à nu moins, les failles des instances municipales que celles de leurs gestionnaires en termes d'incompétences, de mauvaise gestion des affaires communales, d'irrégularités dans l'attribution et la passation des marchés publics, de dilapidation des deniers publics et d'abus de pouvoir dans le but de faciliter l'obtention de financement de certains marchés particuliers. Dans le même ordre d'idée, les intervenants en mal de concertation et de compétence, se trouvent souvent face à une dispersion des pouvoirs de décisions et à un éparpillement des ressources (cas de la réhabilitation du ksar de Goulmima). Certains présidents de conseil choisissent de privilégier des voies dont ils ne maîtrisent guère les mécanismes. Certains voudront dans ce cadre recourir à des emprunts pour le financement de projets dont la seule utilité serait d'épater leurs électeurs c'est le cas du projet d'étude de la mise a niveau de la ville de Goulmima. D'une manière générale l'espace urbain est confronté à une série de mutation face auxquelles il est tenu de réagir. Il s'agit selon la vision de l'association de la troisième génération des droits des humains, d'enjeux liés à la consolidation des acquis démocratiques, à la mise en place des mécanismes de proximité permettant une gestion municipale de projet à la fois participative et démocratique et à l'institutionnalisation du partenariat public prive.
Il s'agit d'un processus de diversification et d'enrichissement les activités économiques et sociales sous un territoire à partir de la mobilisation et de la coordination de ses ressources et de ses énergies. Pour l'ATGDH, la bonne gouvernance urbaine se veut à rapprocher les élus des citoyens, à faire participer ceux-ci à la prise de décision, à soumettre la gestion locale aux principes d'évaluation et de transparence, à mettre à terme le principe de l'impunité, à moderniser le mode d'élection et de représentation, à rénover la vie politique et urbaine, à démocratiser l'accès aux fonctions électives, à mettre en place une fonction publique territoriale, à refondre les finances locales, …. C'est donc l'enjeu du management municipal. Attirer les investissements sur l'espace municipal et assurer la rentabilisation des actions économiques locales constitue un moyen tout pour préserver le capital-image et le rayonnement de la municipalité que pour assurer des ressources fiscales supplémentaires susceptibles d'être investies à des fins de développement territorial. Aussi cette technique détermine le succès du partenariat entre les acteurs publics et privés et qui permet un vrai débat entre les élus et les citoyens sur les modalités de satisfaction des attentes des usagers des services publics. Malheureusement, la municipalité de Goulmima est très loin d'en être l'exemple.
Par le manque de conscience et d'absence de l'esprit managérial d'encourager l'économie d'agglomération et de créer des externalités positives pour la localité, une conduite due forcement à son faible niveau d'instruction, le responsable communal a fait traîner le projet touristique d'un jette étape au nom d'un investisseur étranger pendant deux ans avant que l'autorité locale intervienne dans le sujet. En matière de l'habitat, le citoyen souffre de deux manières : face aux lois relatives à l'urbanisme (12/90 et 25/90), qui se voient rigides, l'agence urbaine est une autre difficulté pour le droit de citoyen au logement décent. En effet, au sein de certaines agences urbaines, et devant le silence soit des élus représentés dans le conseil d'administration de l'agence urbaine soit des architectes exerçant dans le privé, le service d'instruction est livré à l'incurie et à la merci des techniciens qui décident à l'arbitraire dans l'approbation des projets. La commission formée de techniciens est dans la plupart des cas assistés par un architecte diplômé de l'une des écoles des pays de l'Est (l'Ukraine ), débutant et qui se voit en lui-même chef.
Le métier d'architecte n'est pas seulement d'élaborer des conceptions et établir un dessin, ou en faire des remarques, mais de savoir planifier, résoudre, évaluer et faire sortir des cas de situations concrètes. De même, être architecte responsable d'un service public au sein d'une agence urbaine, c'est connaître profondément les lois applicables en la matière et savoir les appliquer, être à l'écoute des administrés, et participer à la recherche de solutions fiables au profit du citoyen tout en respectant la réglementation. Ce qui n'est pas le cas de l'agence urbaine d'Errachidia quant à son service d'instruction. Par rapport au contenu de l'article 3 de la loi 1-93-51 du 10 septembre 1993 instituant les agences urbaines, le service d'instruction de l'agence urbaine se veut employer des ingénieurs bien professionnalisés et des architectes reconnus par l'ordre des architectes national en tant que de vrais ingénieurs responsables. De même, les provinces doivent se représenter par un architecte ou ingénieur qualifié dans des commissions de voirie et d'instruction et les communes par des cadres qualifiés en la matière et non pas ceux qui cherchent le profit (voire circulaire 32-20 en matière d'urbanisme) pour décider ce qui est de droit du citoyen.
L'association ajoute qu'il parait évident qu'une gestion municipale suppose la création au sein des municipalités, des structures de proximité d'information, de débat, d'échange et de suivi sur les projets concernant les habitants et non pas se mettre en flagrant délit de corruption comme le cas du président de la municipalité de Midelt. De même, il est recommandé de reconnaître le rôle institutionnel des instances participatives des habitants pour leur permettre de mieux s'investir dans la vie locale. En tout cas, les conseilles municipaux ont tout intérêt à s'adapter au rythme des reformes engagées en matière de gestion municipale, par la connaissance des lois qui les régies, et ce, en évitant les échecs des expériences précédentes et en rompant avec l'inertie et les tiraillements bassement politiciens qui caractérisent leur mandat. |
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Par El Mustafa Ichi* | LE MATIN du 10/102010. |
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