L'ironie du sort(8ème épisode)


Dés lors, la vie de Yane changea complètement, les regrets et les remords l'obsédaient matin et soir. Cependant, ce qui le tracassait encore plus était les médicaments que sa mère devait prendre en des moments précis et avec grande précaution alors que personne à la maison à part lui ne savait lire les prospectus ni même faire une différence entre les boites ; il recommanda alors à son père et à ses sœurs de ne jamais y toucher, il s'en chargerait lui même. Il savait très bien que tout oubli ou toute confusion pourrait être fatale à sa mère, ce qui hausserait son sentiment de mea-culpa déjà parvenu à un degré alarmant chez lui. Son temps était alors partagé entre le boulot et la maison, en effet, chaque jour quand il revenait de son travail, il se hâtait de rentrer et allait directement la voir ; il lui baisait la tête et les deux mains et prenait place à côté d'elle recevoir les gens du ksar qui venaient massivement lui rendre visite comme le préconise la religion. Quand il leur arrivait d'être seuls, il lui parlait même si elle était incapable de lui répondre ; il répétait le même discours et la même demande ; il espérait entendre d'elle "je t'ai pardonné mon cher, c'était mon destin et personne ne pouvait rien pour moi", mais hélas, tout ce qu'elle pouvait faire était de le fixer de ses yeux qui disaient beaucoup mais dont il ne comprenait pas le langage. En effet, son mutisme le froissait et il allait perdre ses cils à force de pleurer son sort ; il n'arrivait pas à oublier ce moment de faiblesse où il avait perdu toute sa sagesse et toute sa raison pour une affaire qu'il pouvait régler de mille façons alors qu'il avait choisi la plus mauvaise.
La roue de son temps s'était arrêtée là et il ne faisait que ruminer le passé, il se rendit compte qu'aucun amour au monde n'égalait celui qu'il éprouvait pour sa mère ; il se demandait alors comment certains arrivaient à abandonner leurs parents et à couper court avec eux pour des raisons matérielles ou affectives. Plusieurs exemples lui venaient en tête ; des hommes dont les parents pauvres et malades avaient souffert pour leur garantir toutes les nécessités de la vie, des hommes qui avaient opté pour les beaux yeux de leur "princesse" oubliaient tous les sacrifices des leurs ; des hommes qui faisaient tout pour approcher leurs beaux parents et pour se faire accepter d'eux quitte à renier leur sang, leur descendance. Des hommes qui vivaient leur amour à la manière des citadins qu'ils n'étaient pas vu qu'ils avaient pris pied pour une durée limitée dans les mégapoles du nord ; des hommes à qui les mœurs et les vertus ancestrales ne signifiaient rien ; des hommes qui faisaient et font toujours honte aux hommes dignes de ce noms. L'amour de Yate allait le caser dans cette catégorie du parias et des ingrats qui faisaient légion depuis que les nouvelles fonctions étaient apparues et que rares étaient les gens qui s'occupaient des terres agricoles ; bref, l'amour de Yate était remis en question. Cette dernière arriva difficilement à convaincre sa mère de faire comme les gens du quartier et rendre visite à la famille de Yane; une visite qui était un devoir certes, mais aussi une occasion de voir son prince charmant et de lui apporter le soutien moral dont il avait grand besoin.
Sur leur chemin elles croisèrent Wayd qui épiait toujours leurs faits et gestes et se montrait très vigilent ; il vint saluer la mère de Yate en lui baisant la main. Yate lui serra la main en détournant les yeux mais il était satisfait de lui avoir touché la main ; le pauvre amoureux !
Yate n'avait dit aucun mot le long du chemin, contrairement à sa mère qui était très fière de cette rencontre et ne cessait d'arborer des rires qui permettaient de voir ses dents de lait. Quand ils s'approchèrent de la maison, le cœur de Yate battait très fort, elle espérait que ce serait Yane qui allait ouvrir la porte, mais ce qui arriva était inimaginable et insupportable surtout en la présence de Wayd. Celle qui ouvrit la porte était la sœur ainée de Yane, quand elle les aperçut, elle cria et commença à les insulter quand ses autres sœurs arrivèrent sur le coup. Sans la présence de Wayd qui n'avait jamais vu une méchanceté pareille, Yate et sa mère allaient être bien tabassées. Les filles toujours solidaires, leur claquèrent la porte au nez après que l'ainée ait craché dans leur direction. Les cris furent entendus par la malade qui crut que c'était encore une fois son fils qui s'en prenait à ses sœurs et en perdit la vie.
(À suivre).

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