La liberté religieuse dans le système législatif marocain.Mohmmed Darif,traduit par B.aziz.
La liberté religieuse se manifeste de trois manières:La liberté de croyance ,la liberté du culte et la liberté individuelle de convaincre autrui de partager ses croyances ou sa religion.Ce dernier aspect est qualifié de prosélytisme chez les chrétiens et de "da3wa " chez les musulmans .Comment la loi marocaine présente -t-elle ces trois formes de liberté religieuse ?
S'agissant de la liberté de croyance il n'y a aucun texte législatif qui la limite ou interdise aux marocains musulmans de changer de religion..Certes ,les marocains ,comme tous les Arabes et les non-Arabes musulmans consomment à outrance les produits d'une certaine exégèse concernant l'apostasie et l'illicité du changement de religion après avoir adopté l'Islam.Mais en pratique aucun marocain n'a jamais été condamné pour apostasie .Il est notable que toutes les charges retenues contre les marocains musulmans ayant été condamnés se basent sur des textes juridiques relatifs à l'atteinte à l'ordre public .C'est ce qui ressort du jugement des "baha'istes marocains" en 1962 à Nador où ils ont été poursuivis pour débauche des jeunes ,formation d'une bande criminelle et atteinte à la sécurité ..
traduction d'un texte de M.Darif ,spécialiste des mouvements islamistes,paru dans le quotidien "al massae" en langue arabe ,n°1108 du 14/04/2010
Au Maroc il n'existe aucun texte législatif interdisant au musulman marocain de changer de religion et d'en adopter une autre ou de demeurer agnostique , à condition de ne pas profiter de cette liberté pour porter atteinte à la sécurité générale .Les bahaistes marocains jugés en 1984 à mohammadia n'ont pas été poursuivis pour apostasie mais pour avoir reçu illégalement des subsides de l'étranger .De même le jugement d'un groupe de jeunes marocains chrétiens en 1987 ,toujours à Mohammadia était basé sur des arguments qui n'avaient rien à voir avec la liberté cultuelle .Il existe des milliers de marocains musulmans qui sont devenus sociologiquement ou cultuellement chrétiens ,dont une grande majorité est issue de la classe moyenne,pourtant
les forces publiques ne sont pas intervenues pour les en empêcher ,en l'absence d'aucun texte législatif ,ils ont choisi le christianisme par conviction ,ont choisi le culte qu'ils désirent pratiquer sans entretenir de relations équivoques visant l'atteinte à la sécurité générale .
les forces publiques ne sont pas intervenues pour les en empêcher ,en l'absence d'aucun texte législatif ,ils ont choisi le christianisme par conviction ,ont choisi le culte qu'ils désirent pratiquer sans entretenir de relations équivoques visant l'atteinte à la sécurité générale .
Ceci concernant la liberté de croyance comme aspect apparent de la liberté religieuse,quant à la liberté cultuelle comme second aspect de cette liberté il existe des dispositions juridiques qui la régissent telles que l'article 6 de la constitution et le deuxième paragraphe de l'article 220,221 et 223 de du code pénal.
C'est ainsi que le sixième article de la constitution qui stipule que ""L'islam est la Religion de l'Etat qui garantit à tous le libre exercice des cultes" devrait être appréhendé dans le cadre de trois contextes différents :
_Le premier étant que la liberté d'exercice du culte concerne la liberté de croyance et de tous les rites et rituels y afférant, dont les lieux où se déroulent ceux-ci .
_Le second contexte est que la liberté cultuelle garantie par la constitution ne concerne que les trois religions monothéistes reconnues au Maroc à savoir le Judaïsme ,le Christianisme et l'Islam.Feu SM. Hassan II avait clarifié cette restriction lors d'une interview le 12/12/1962 en affirmant que " la religion juive peut être pratiquée en toute liberté ,de même que le christianisme car ce sont des religions du livre reconnues par l'islam ...ceci ne veut pas dire que le Maroc admettrait la pratique de rites des "baha'iyine" ou autres dans les places publiques.Le Maroc est un pays musulman tolérant avec les adeptes des religions du livre adoptant le monothéisme".
Le troisième contexte est l'interprétation officielle du 18 ème article de la constitution accordant au Roi le titre de commandeur des croyants ,protecteur de la religion.Cette protection étant désormais accordée non plus exclusivement à L'islam ,mais aussi à la la judaïté et à la chrétienté.
Si l'article 6 de ladite constitution garantit la liberté de croyance ,le premier paragraphe de l'article 220 et les articles 221 et 223 du code pénal garantissent ,quant à eux une protection procédurale de cette liberté .
Ainsi le premier paragraphe de l'article 220 précité stipule que " Quiconque, par des violences ou des menaces, a contraint ou empêché une ou plusieurs personnes d'exercer un culte, ou d'assister à l'exercice de ce culte, est puni d'un emprisonnement de six mois à trois ans et d'une amende de 100 à 500 dirhams." . L'article 221 prévoit la même sanction à l'encontre de "Quiconque entrave volontairement l'exercice d'un culte ou d'une cérémonie religieuse, ou occasionne volontairement un désordre de nature à en troubler la sérénité",de même que l'article 223 en use contre " Quiconque, volontairement, détruit, dégrade ou souille les édifices, monuments ou objets servant au culte,"
Certains activistes politiques ou défenseurs des droits de l'Homme insistent sur le fait que les dispositions de l'article 220 du code pénal contredisent le contenu du sixième article de la constitution .C'est là une déduction étrange du moment que les deux articles se complètent et ne se contredisent pas,car la constitution stipule la liberté de la pratique des rituels et du culte et les articles 220,221 et 223 du code pénal garantissent cette liberté.
Il est notable que les dispositions des trois article précités ne référent à aucune religion en particulier ,du moment qu'elles punissent aussi bien tout musulman qui empêcherait un autre musulman d'entrer dans une mosquée ou qui l'obligerait à y entrer , qui interdirait à un chrétien d'entrer dans une église ou qui l'y obligerait ou encore qui interdirait à un juif d'entrer dans une synagogue ou l'y obligerait.Et ce sont les mêmes dispositions qui s'appliquent à tout chrétien ou tout juif qui agirait de même envers d'autres personnes qu'ils soient musulmans ,chrétiens ou juifs .
Le troisième aspect de la liberté religieuse consiste en le droit de toute personne croyant en une religion de convaincre autrui de partager ses convictions .Cet aspect nous renvoie au deuxième paragraphe de L’article 220 du code pénal marocain qui prévoit des peines d’emprisonnement allant de six mois à trois ans pour" toute personne qui tente d’ébranler la foi d’un Musulman soit en employant des moyens de séduction dans le but d’ébranler la foi d’un Musulman ou de le convertir à une autre religion (prosélytisme), soit en exploitant sa faiblesse ou ses besoins, soit en utilisant à ces fins des établissements d’enseignement, de santé, des asiles ou des orphelinats ».
On remarque de prime abord que ce paragraphe ne parle pas du prosélytisme toujours associé au christianisme .Chaque personne a donc le droit d'appeler les autres à partager sa foi ,exception faite des conditions suivantes :
-Exploiter la faiblesse d'autrui ou son besoin d'assistance pour le pousser à renier sa confession ou sa religion.
-Exploiter les lieux d'enseignement pour propager sa foi .
-Exploiter son poste de travail dans un service hospitalier pour les mêmes fins.
-Exploiter son travail dans un asile pour divulguer sa foi.
-Exploiter son travail dans un orphelinat pour les mêmes fins .
Les actions incriminées par la loi se basent sur deux considérations :
La première concerne l'interdiction d'exploiter une condition privilégiée pour influencer les croyances et la religion d'autrui.Quant à la deuxième elle consiste en l'absence de référence à une religion en particulier .Le chrétien qui exploiterait une position privilégiée parmi les cinq cas suscités est passible de la même peine qu'un juif ou un musulman ou un athée .Ce dernier est puni s'il tente d'ébranler la foi d'un musulman en l'amenant à douter des religions ,la même peine est encourue par les musulmans qui adoptent un courant religieux différent de celui qui est agrée par l'Etat.A ce propos le discours royal du 30 juillet 2003 a stipulé que le peuple marocain n'a pas besoin d'importer des courants religieux étrangers à ses traditions ,lui le peuple fort de son unité dogmatique ,et qu'il serait mis fin aux agissements de toute personne qui divulguerait un courant religieux étranger.Le discours à propos de la liberté religieuse dans le système législatif marocain suscite trois observations :
-La première est que la liberté religieuse fait partie des libertés individuelles dont la pratique ne peut être interdite que par la loi et les besoins d'intérêt public.C'est ce qui ressort de l'article 29 de la déclaration universelle des droits de l'Homme qui stipule que " Dans l'exercice de ses droits et dans la jouissance de ses libertés, chacun n'est soumis qu'aux limitations établies par la loi exclusivement en vue d'assurer la reconnaissance et le respect des droits et libertés d'autrui et afin de satisfaire aux justes exigences de la morale, de l'ordre public et du bien-être général dans une société démocratique."
La seconde observation porte sur l'obligation de distinguer les droits de l'Homme comme être humain jouissant d'un certain nombre de libertés hypothétiques ,des droits de l'être humain en tant que citoyen ayant des obligations au sein d'une communauté politique qu'est l'Etat,ainsi relativise-t-on la jouissance de cette liberté individuelle afin de sauvegarder la liberté des autres.
La troisième concerne le fait que chaque Etat posséde sa "sécurité générale " relative à la nature de sa culture ,de son héritage civilisationnel et religieux.Et quoi que la littérature législative ait ait desn difficultés à définir rigoureusement le sens de cette sécurité générale ,cela n'a nullement empêché les tribunaux de l'adopter.A ce propos on pourrait signaler la position du gouvernement britanique qui a censuré un film cinématographique portant atteinte à la personne de jésus christ en arguant qu'il portait atteinte à la sécurité générale ,pour épargner les sensibilités chrétiennes .Ensuite des milieux associatifs ont eu recours au tribunal des droits de l'Homme pour casser la décision du gouvernement du fait qu'elle s'oppose au droit d'expression ,mais le tribunal européen a confirmé la position du gouvernement britanique le 25 Novembre 1996.
traduction d'un texte de M.Darif ,spécialiste des mouvements islamistes,paru dans le quotidien "al massae" en langue arabe ,n°1108 du 14/04/2010
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