Parole de pâtres...
Assou vivait heureux au milieu de son troupeau de caprins et d'ovins. Il avait de la chance de fouler plus de terrain que quiconque. Toutes les prairies lui appartenaient et il se délectait tous les jours d'y promener son regard magistral en même temps que son bétail. Il avait aussi la chance de se démarquer de sa société se de goûter aux délices de la solitude.
Tonton Assou était alors âgé d'une quarantaine d'années et prenait la vie du bon bout et du bon côté. Il était un philosophe né: ceux de sa génération témoignaient de sa lucidité d'esprit et de son intelligence avancée. Il ne parlait que pour énoncer une sagesse, une maxime. On ne se lassait jamais de sa présence, on sirotait toujours ses propos. Quand il quittait les siens, ou les vieux de son ksar Taltfraout, en occurrence, qui étaient habitués à somnoler au soleil, il le faisait si discrètement que l'on se souvenait même pas qu'il fût présent. Il ne voulait laisser de trace de son passé que pour ses réflexions philosophiques.
Tout le monde au village l'aimait et l'estimait, sentiments qu'il savait rendre si bien à tous ses concitoyens.
Un jour tonton Assou dit à l'un de ses admirateurs:
-Tu sais Moha, ce matin; je L'ai rencontrée.
Intrigué, Moha lui demanda: "Tu as rencontré qui?"
-La Vie. Elle a pris la forme d'une jeune femme bien fardée et combien alléchante! Elle m'a parlé et est partie en éclatant de rire.
-Elle t'a parlé? Qu'a-t-elle donc à te dire, toi l'ermite?
-Elle m'a fait savoir qu'untel la courtisait depuis longtemps croyant qu'il allait l'apprivoiser. Elle à le fuir et à lui tourner le dos. Elle se moque bien de lui et de tout ce qu'il possède.
-Tu as raison Assou. Depuis que j'ai ouvert les yeux sur ce bas monde, ce qui dam ne fait que courir après l'argent...il finira par se casser les dents contre terre et pour passer à côté de la vie.
-Attends, je n'ai pas fini mon récit! Je l'ai retrouvée deux heures plus tard, mais la pauvre, elle était dans un triste état.
-Comment ça? Voilà que tu dérailles mon vieux.
-Non, je sais bien ce que je dis, crois-moi, elle incarnait toujours la même personne mais cette fois elle avait les cheveux aux quatre vents, elle était démaquillée, barbouillée et avait les yeux rougis. Elle sanglotait et à ma question elle a répondu qu'elle a été vexée par un certain Hammou qui ne lui a jamais prêté attention. Il a toujours décliné ses avances et continue de faire, sa beauté; ses charmes, sa magie n'ont aucun effet sur lui. Bref, il lui donne un coup de pied au derrière comme on dit chez nous.
Moha médita longtemps ce que Assou venait de lui raconter, il resta ébahi, et se représenta les trois acteurs de cette fabuleuse mise en scène. La clairvoyance de Assou lui parut au grand jour.Dés lors; il apprit à se démystifier la vie et à lui accorder juste le peu d'importance qu'elle nécessite. Cela ne manque d'ailleurs de lui rappeler la citation de cet écrivain britannique qui dit "La vie ne vaut rien; mais rien ne vaut la vie.
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