Tamazight : Etat des lieux et perspectives ,meeting avec Mre Ahmed Arehmouch. (texte intégral)
Au début de cette conférence ,le président de l'association Tilelli M.Mbarek Taous a tenu à remercier le conférencier qui s'est donné la peine du déplacement ,ainsi que l'assistance nombreuse venue assister à ce débat fructueux .
Par la suite il s'est engagé dans un rappel sommaire des différentes positions de Tilelli ,en passant par la position vis-à-vis de la nouvelle constitution ,du choix du caractère Tifinagh pour en arriver à son assistance inconditionnelle des victimes des dernières pluies et des inondations qui ont détruit des maisons et laissé des dizaines de personnes sans abri.Enfin M.Taous a présenté un bref curriculum vitae de maitre Arehmouch ,figure emblématique de la défense de la culture Amazigh connue aussi bien à Goulmima que dans le sud-est et au niveau national de manière générale ,avant de lui céder la parole .
M. Arehmouch ,après avoir remercié l'association Tilelli pour son invitation a commencé son allocution par une présentation du plan de son exposé qui allait se diviser en trois volets ,à savoir:
1/ Un diagnostic de la situation présente .
2/ Une présentation de l'apport des association et de la société civile de manière globale .
3/ Les perspectives d'avenir.
Après cette présentation il entra dans le vif de son exposé en déclarant que depuis le célèbre discours royal d'Ajdir l'Etat marocain s'est vu contraint de prendre position vis à vis de la question de Tamazight qui a pu à travers un long parcours imposer une remise en question de sa marginalisation systématique .C'est ainsi qu'en 2003 le caractère Tifinagh a été officialisé ,mais cette reconnaissance qui représente un gain du point de vue politique n'en représente pas moins une perte sur le plan scientifique et didactique et ajouta que les amazighs doivent imposer leur langue comme langue offcielle ,sachant que tous les acquis réalisés jusqu'à aujourd'hui l'ont été grâce à une pression continue de leur part via les associations et les divers actes de militantismes sur différents niveaux.Cependant Mre Arehmouch souligna qu'il y avait un certain relâchement à ce niveau ces derniers temps et en retint comme exemple les sinistrés des dernières inondations et des pluies déluviennes dans notre région pour qui les responsables n'ont pas apporté l'aide ni les solutions adéquates un mois après leur drame ,pour les reloger et il mit à l'index également les associations locales qui n'ont pas réussi à faire entendre leur voix pour mettre fin à leur calvaire d'autant plus quil existe encore à ce jour des personnes sans abri qui se sont réfugiées dans la mosquée en attendant mieux .Le second dossier que M. Arehmouch traita et dans lequel il regretta le manque de solidarité des Amazighs fut celui des détenus politiques de la cause et notamment M.Hamid Ouaddoch et Mustapha Oussaya qui sévissent dans les géôles du maxzen depuis sept ans" nous n'avons rien fait pour libérer nos militants détenus cria -t-il" reprochant aux activistes de notre cause de ne pas faire assez d'efforts dans ce sens .
Continuant son diagnostic de la situation présente Mre Arehmouch enchaîna sur le problème des terres collectives ,qui comme il le souligna est un problèmes généralisé à tous les marocains ,mais dont la majorité des victimes sont des tribus amazighs dont les terres continuent d'être annexées sous des dénominations chaque fois différentes qui cachent à chaque fois des prétextes tendant à priver les citoyens des terres ancestrales pour les vendre à des investisseurs nationnaux ou étrangers ou à se les approprier par l'Etat marocain pour ensuite les offrir comme sources de revenus rentiers aux meilleurs serviteurs de sa politique .C'est ainsi que parfois les responsables du ministère de tutelle parlent de "délimitation de la propriété forestière ou encore de" terres communes " pour cacher la véritable raison de la spoliation de ces milliers d'hectares pour les raisons déjà avancées .Il donna l'exemple de la région du Souss où 50 000 has ont été annexés jusqu'à maintenant sous des prétextes souvent débiles comme celui de prétendre que chaque terre contenant une plante de carroubier (el-kherroub, tikiṭ, avec /ṭ/ emphatique), doit être considérée de jure et de facto comme une terre appartenant à l'Etat ,ce qui est totalement absurde! Il ajouta que l'Etat est en train de s'approprier 20 millions d'hectares sur une surface globale de 70 millions d'hectares ,pour ne laisser finalement aux habitants ,véritables propriétaires de ces terres que seulement un million d'hectares à se partager .
Un autre dossier épineux et qui reste encore irrésolu demeure celui des prénoms Amazighs toujours interdits dans les communes ,c'est ainsi qu'en 2013 25 prénoms n'ont pas été autorisés ,car les responsables craignent que cela ne fasse reconnaître la suprématie numérique des amazighs .Dénommer son fils Mohammed ,Ahmed ou sa fille Fatima ne pose aucun problème car cela continue de faire croire en une pseudo-majorité Arabe ,alors que les prénoms amazighs dévoilent une réalité qu'on a tendance à vouloir cacher à tout prix .Tamazight est un projet de société et non pas seulement une lutte pour des droits culturels,mais pour un Maroc des droits de l'Homme ,"nous voulons un pays comme la Suisse où le citoyen pourrait jouir de ses droits inaliénables à tous les niveaux de la vie sociale" ,entonna-t-il avec véhémence .
Ensuite ,parlant du problème de l'apprentissage de la langue Amazigh dans les écoles marocaines Mre Arehmouch souligna la situation paradoxale qui prévaut actuellement dans ce domaine en expliquant que dans les médias on claironne à hue et à dia que l'apprentissage du Tamazight est quasiment généralisé,alors qu'en réalité cette généralisation n'a jamais dépassé le très modeste chiffre de 2% et cela d'après les sources officielles du ministère de l'éducation lui même .De l'autre côté l'enseignement de l'Arabe ,du Français et de l'Anglais connait relativement une réelle avancée.
Le conférencier en vint par la suite à la part de diffusion du Tamazight dans les médias marocains et tout spécialement dans la petite lucarne(tv) et constata que cette part est restée ,somme toute, très modeste et ne dépasse pas six heures de diffusion par jour depuis 2010,alors que le cahier de charge prévoyait une augmentation de l'horaire de diffusion de deux heures par an ce qui aurait dû normalement porter la part de Tamazight à 14 heures par jour .Il fit noter qu'il ne faut point prendre en considération les heures de rediffusion des programmes qui ne font que leurrer les téléspectateurs non avertis .
Un autre problème tout aussi crucial et qui démontre l'oppression systématique contre les amazighophones est celui de la justice .En sa qualité d'avocat parlant en connaissance de cause ,Mre Arehmouch souligna que les amazighs ne jouissent même pas du droit d'être jugés dans leur propre langue ,du moment qu'ils sont obligés de parler Arabe dans les différents tribunaux du royaume .Il releva ainsi que depuis 1965 la loi interdit aux magistrats d'employer une autre langue que l'Arabe .C'est ainsi que chaque personne interpellée devant les tribunaux aura un procès-verbal rédigé en Arabe ou en Français ,alors qu'en Europe ,à titre d'exemple 14 langues sont présentes d'office dans les tribunaux et l'on a droit à un traducteur spécialisé ,pas comme au Maroc ou la traduction est confiée souvent à un commis-greffier non assermenté ou à une personne quelconque présente dans la salle d'audience ,ce qui ne garantit en rien les droits de l'accusé dont les déclarations devant la cour pourraient être sciemment ou inconsciemment détournées ou mal interprétées dans le meilleur des cas .Il prit ensuite pour exemple le cas des Romanches en Suisse où les extraits d'acte de naissance sont rédigés en quatre langues différentes afin de permettre à tout citoyen de s'y retrouver sans peine .
Dans le domaine des droits publics des Amazighs ,Mre Arehmouch ne manqua pas de souligner l'interdiction de la marche de "Tawada " à Casablanca ainsi que l'interdiction de création d'associations Amazighs ,ceci au moment où le discours officiel déclare qu'il n'existe pas de racisme au Maroc,"le racisme existe au Maroc entonna-t-il ,et cela est visible dans tous les domaines cités précédemment ,à savoir l'école ,la télévision ,les inondations etc...".Ensuite pour démontrer ses propos il ajouta que la loi de finance de 2014 ne comprenait aucune rubrique d'aide aux sinistrés " rien ne sera fait pour vous ,dit-il en s'adressant à l'assistance nombreuse venue l'écouter,ils ne reconstruiront pas vos maisons détruites ,rien de tout cela ne sera fait!" Il enchaîna sur les dépenses de l'Etat marocain cette année qui ont été de 34 milliards de dirhams ,mais ajouta-t-il presque rien pour Tamazight ! Les chiffres parlent d'eux-mêmes ajouta-t-il 1.5% pour la chaîne Tamazight et l'IRCAM réunis ,27% pour la langue Arabe ,2.5% pour l'Hebreu et 19% pour le Français ,c'est notre argent ,ce n'est pas de la poche de Benkirane ,ce sont vos impôts !!Ils ont baissé la part du budget pour l'enseignement ,par contre ils n'ont pas baissé les salaires des ministres ni ceux des parlementaires .A titre d'exemple le premier ministre à lui seul bénéficie d'un million de dirhams par an .Ils vous méprisent parce que vous êtes Amazighs et dans cinq mois ils viendront vous supplier de voter pour eux ,je ne vous demanderai de voter ni pour l'un ni pour l'autre,mais je vous demande d'analyser le passé ,lors des inondations et des sinistres ,ce sont ceux que vous élirez qui agiront ou non ,qui reconstruiront ou non vos maisons détruites ,ou alors passez outre ces élections jusqu'à ce que votre problème soit résolu! Mais croyez-moi votre problème ne sera pas résolu tant que vous resterez cloîtrés à Goulmima ,il faut que votre voix ,voire votre cri soit dirigé vers l'extérieur ,et je vous suggère d'envoyer des lettres de réclamation aux ambassades et aux consulats étrangers ,ceux de France et des U.S.A entre autres ! Les responsables marocains ont peur de l'opinion, des réprimandes et des critiques internationales plus que de celles de l'intérieur du pays .A ce propos il y a une occasion en or ,à ne pas rater ,il s'agit d'une séance de l'O.N.U qui aura lieu le 21 Mars prochain à Genève en Suisse , durant laquelle le Maroc présentera ,comme chaque année, son rapport annuel officiel sur les droits de l'Homme ,et les représentants de la coordination des victimes des dernières pluies (constituées dernièrement ) pourront présenter leurs doléances et leurs critiques devant les responsables de cette organisation internationale .De même leur faudra -t-il agir sur d'autres niveaux à l'échelle nationale ,comme c'est le cas pour les victimes des inondations du Souss ,qui entament actuellement des sit-in à Rabat,il faut unir vos réclamations et la société civile a un grand rôle à jouer pour vous soutenir dans votre lutte.Enfin j'ajouterai qu'il vous faut vous préparer dés maintenant pour les élections,choisissez vos propres représentants ,vous n'avez pas besoin de la charité de l'Etat ,vous êtes opprimés et méprisés ,il faut agir ,à moins que vous n'ayez d'autres solutions !
A la fin de cette intervention le président de l'association Tilelli reprit la parole pour remercier M Arehmouch ,ainsi que l'assistance pour son écoute avant d'ouvrir la liste des interventions .
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