Tourisme de la crise : Nous avons tout compris !!
Partout à travers le Maroc la crise se fait ressentir dans le secteur touristique à commencer par les grandes destinations traditionnelles de renommée mondiale comme Agadir où des investissements énormes ont été réalisés ,boostés par la grande affluence exceptionnelle qu'ont connue ces dernières années avant la crise.Mais aussi dans les villages se trouvant sur les circuits non moins légendaires des routes des kasbah, de ouarzazate aux dunes de sable de Merzouga à Rissani et Erfoud ,via les incontournables sites deTinghir et de Goulmima.
Il fut un temps de gloire pour le tourisme national où il était impossible de trouver une table vide dans n'importe quel restaurant ,alors qu'aujourd'hui certaines boîtes tournent avec une ou deux tables pour les plus vernies ! Le ministère du tourisme ,quant à lui n'est pas du tout intéressé par ce que dépensent les touristes sur le territoire national,tout ce qui l'intéresse ce sont le nombre de nuitées et les statistiques qui rassurent sur le nombre de ceux-ci ayant visité le pays.
Pour les non-initiés il est fort difficile de comprendre certains paradoxes de ce secteur comme celui du taux de remplissage élevé des hôtels ,alors que les restaurateurs et les bazaristes crient famine et sont astreints à user de leur chasse-mouche à longueur de journée sans qu'un seul client ne pointe son nez à l'horizon.
L'explication se trouve dans le fait que les charters qui arrivent bondés de touristes sont attendus par des cars climatisés qui les transportent illico presto vers leurs hôtels avant de les reprendre en destination inverse à la fin de leur séjour.Peu d'entre-eux descendent dans les rues de la ville s'asseoir à une terrasse de café ou de restaurant comme au bon vieux temps , encore moins flâner dans les bazars à la recherche d'un souvenir exotique,témoin de ce voyage dans l'orient des mille et une nuit,fini tout ça !
La formule du "tout-compris" a véritablement porté le coup de grâce au tourisme .Ainsi pour environ 600 Euros le touriste paye son voyage ,sa nourriture et ses boissons pour toute la durée du séjour,à longueur de journée et une partie de la nuit .Avant que ce choix ne soit adopté , par les tour-opérators et les agences de voyage étrangers les touristes n'avaient droit qu'au repas du soir et au petit déjeuner.Ce qui les poussait à sortir des hôtels pour aller déguster la cuisine locale dans les restaurants disséminés à travers la ville.De même que pour les boissons pour lesquelles ils devaient se rendre dans les cafés ou dans les bars ,tandis que les plus pantoufflards ,ceux qui choisissaient quand-même de rester dans leur hôtel ,eh bien ils devaient payer leurs boissons en devises,ce qui représentait un apport respectable pour les gérants .Même les serveurs et les serviteurs avaient en ces temps heureux leur part du gâteau, sous forme de bakchich laissé par des visiteurs ,jadis visiblement plus généreux.
Aujourd'hui ,par contre et à cause de la crise qui leur a fait choisir le "tout-compris",seuls quelques touristes encore veulent bien donner quelques pièces jaunes ô combien humiliantes pour les pauvres serveurs qui n'en croient pas leurs yeux et sont astreints d'accepter l'humiliation avec le sourire pour ne pas perdre définitivement leur place en cas de plainte de l'étranger offensé par un refus de prendre ce pourboire,somme toute dérisoire !
Cela n'était pas le cas il y a encore quelques années où les touristes étaient visibles dans les ruelles les plus reculées des villes où ils se faisaient un plaisir d'acquérir toutes sortes de vêtements traditionnels bigarrés aux couleurs locales ,des vêtements en cuir ou des produits de bonne qualité de l'artisanat amazigh local.Même les bijoutiers se faisaient alors un chiffre d'affaire respectable avec des voyageurs plus nantis.
De nos jours, seuls les plus démunis fréquentent ces boutiques,ce sont souvent des ouvriers du bâtiment ou de petits employés dans leur pays qui choisissent Agadir ou Marrakech parce que c'est sensiblement moins cher que d'autres destinations telles que la Tunisie ou encore l'Egypte où ils bénéficient d'un service de moindre qualité.
D'un autre côté il y a les vieux qui voyagent en caravane et qui apportent tout le nécessaire avec eux pour ne rien dépenser au pays.J'en ai vu même avec une bouteille de rechange pour la butane de gaz sur le porte-bagage de leur bahut.Ceux là n'achètent qu'un pain rond et un kilo de tomates toutes les vingt-quatre heures et privilégient le camping ,qui comme dans le cas de goulmima,pour comble de l'ironie, est géré par une française qui s'empresse de réinjecter, même ces quelques malheureux dirhams ,dans le circuit monétaire de son pays ,pour que vraiment aucune miette ne tombe dans l'escarcelle marocaine! Tout ce qu'ils nous laissent c'est les magnums vide d'eau amenée avec eux ,les morceaux de dellah (pastèques) jetés dans la nature et leurs déjections vidées des toilettes "tout compris " aussi de leurs véhicules et bien sûr la poubelle du camping jetée sur un chemin fréquenté par nos enfants sur le chemin de leur école.Vive l'Europe civilisée ! vive les dix-millions de touristes et vive la politique d'encouragement de notre ministère "n'temlellay "!
Vivement donc la reprise économique mais aussi vivement une politique touristique qui prendrait en considération en premier lieu les intérêts des marocains .Parce que ces nations d'où viennent tous ces touristes ne nous ont jamais et ne nous feront jamais non plus de cadeaux.Il faut penser à toutes ces bouches à nourrir qui vivotent grâce à ce secteur; au lieu de vendre les privilèges du pays à des prix très sacrifiés en contrepartie de rien du tout ,cela équivaudrait en l'occurrence à vendre du soleil pour du vent ! Et du moment que personne ne pourra nous aider dans la crise , il faudra dés lors négocier ce produit touristique à sa juste valeur ,au lieu de casser les prix pour les beaux yeux d'une poignée de décideurs vraiment étrangers à nos vrais problèmes!
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