Une lecture du poème "geôle de Touchka" de Derwic Umar
Geôle de Touchka
de Derwic umar
Troisième jour de Mai,
le rapt des jeunes renaît,
ligotés vers la geôle :
Adieu docile école !
Rejoins les criminels
de Touchka ,citadelle !
Goûtez du pain sans sel
et l’injustice cruelle,
vous qui êtes dans l’erreur,
vous disciples d’honneur !
La puissance sans cœur
nous réitère ses leurres.
Chasserons nous ces ténèbres
et des accusations de maîtres
moqueurs,autoritaires ?
La réplique s’assure claire :
Cette identité qui les écoeure
battra encore et nos cœurs !
Extrait du recueil « Taskiwin »
de Derwic umar
Troisième jour de Mai,
le rapt des jeunes renaît,
ligotés vers la geôle :
Adieu docile école !
Rejoins les criminels
de Touchka ,citadelle !
Goûtez du pain sans sel
et l’injustice cruelle,
vous qui êtes dans l’erreur,
vous disciples d’honneur !
La puissance sans cœur
nous réitère ses leurres.
Chasserons nous ces ténèbres
et des accusations de maîtres
moqueurs,autoritaires ?
La réplique s’assure claire :
Cette identité qui les écoeure
battra encore et nos cœurs !
Extrait du recueil « Taskiwin »
Une lecture possible du poème
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Notons de prime abord l’omniprésence du geôlier à travers les mots qui le cachent pour mieux le dénoncer. L’incarcération est d’abord décrite en plusieurs étapes annoncées de manière brève par des mots d’une grande simplicité mais aussi d’une grande force de révélation .C’est d’abord le mot « rapt » qui décrit la première étape ,celle de l’enlèvement ,qui ,par définition échappe à toute légalité pour la transgresser et se mettre d’abord ,en tant qu’acte,hors la loi,avant même d’en accuser la victime .C’est à dire qu’avant même que la justice ne décide de l’illégalité des faits reprochés à l’accusé elle se place elle-même hors de cette loi qu’elle prétend défendre .Cela équivaudrait à dire que la justice commence d’abord par être une injustice et ne cessera plus de l’être ,incapable qu’elle est ,après avoir violé ses propres règles,de redevenir ce qu’elle aurait voulu,mais n’a pu être. Ce geste de violence terrorisant s’accapare du corps faute de pouvoir saisir l’esprit ,qui de par sa nature abstraite lui échappe. C’est en vain que le ravisseur tentera de faire plier l’esprit à ses volontés en martyrisant le corps. C’est l’exemple type d’un combat perdu d’avance dans lequel le triomphe est toujours du côté de l’opprimé et dans lequel le plus fort n’est pas toujours le vainqueur. L’Histoire retiendra toujours le nom de l’opprimé tandis qu’elle ne retiendra jamais le nom du bourreau dont le masque de nuit qu’il porte sur sa figure hideuse n’est qu’un symbole des oubliettes dans lesquelles ils sera à jamais révolu. Viendra ensuite le participe passé du verbe ligoter qui décrit l’action humiliante des mains et des pieds liés sans nommer encore une fois l’auteur de l’action. Ce passé participe à occulter d’abord par la grammaire celui qui se cache derrière ses lunettes noires,se croyant invisible dans un monde où son masque lui même le dénonce. La grammaire se plie à la volonté de la victime pour mieux dénoncer le crime du bourreau.
Dans ce poème l’échange entre le geôlier et le poète incarcéré se fait de manière oppressive. L’impératif des verbes donnant des ordres à la victime qui n’a d’autre alternative que de les exécuter,est un mode parfait pour ,encore une fois placer le geôlier derrière le rideau opaque de sa pensée qui n’est là que pour ordonner.L’impératif contribue à ôter tout aspect humain au bourreau pour en faire un simple exécutant.
Le premier verbe à l’impératif « rejoins » ,verbe transitif suivi immédiatement et sans transition par son c.o.d « les criminels » peut être interprété comme une volonté de la part du poète de mettre l’accent sur le caractère individuel de l’emprisonnement ,qui est d’abord vécue par l’individu lui-même dans sa chair et dans ce qu’il a de plus intime ,avant que l’esprit d »e solidarité ne reprenne vite le dessus avec le second verbe à l’impératif qui vient rappeler la dimension commune de l’incarcération .C’est effectivement ce que viendra souligner le verbe « goûtez » dans la phrase « goûtez le pain sans sel »,qui replace le détenu au milieu des siens avec qui il va partager le quotidien amère avec son pain sans sel destiné à avilir le prisonnier et lui enlever toute velléité de révolte ou de protestation.Et s’il fallait absolument rechercher la référence intertextuelle ,nous la trouverions sans peine dans le corpus coranique « goûtez le supplice de l’enfer »,littéralement en Arabe « doukou 3adaaba ljahim »,un sens qui vient s’immiscer dans les interstices phrastiques en ce moment de douleur du poète où l’inconscient profite des moindres failles de la volonté pour refaire surface .
A cet égard il est opportun de signaler la polysémie du mot « sel » qu’évoque le poète. Le sens concret de l’ingrédient culinaire que nous connaissons tous et dont la carence ou l’absence entraîne la fatigue et l’apathie du corps qui devient un amas de viande et d’os incapable de bouger,mais aussi à un niveau métaphorique le sel désigne le plaisir de vivre sans lequel également la vie n’aurait plus aucuns sens.Il s’agirait donc de deux sels ,celui du corps et celui de l’âme et même si le premier est fourni en prison le second en est définitivement banni par la nature même de l’incarcération ,d’autant plus que la cause est noble et que le motif même de cette incarcération est la recherche, voire la lutte et le militantisme pour cette liberté « tilelli » qui a le goût de ce sel qui manque ,même après la libération du poète détenu lorsque celle si ne prend pas le sens de la liberté de son peuple amazigh du joug de l’oppression. C’est cet « esprit de sel » qui va s’écouler du texte poétique, matière abrasive et brûlante dont chaque mot est imbibé jusqu à ne plus soif et qui va s’infiltrer par toutes les anfractuosités et tous les interstices de la geôle pour étouffer par ses relents âcres et étouffants tous ceux qui viendront s’intercaler entre le poète et la liberté.
La lutte identitaire qui vient s’identifier place le poète encore une fois si besoin est ,dans le communautaire. Ce n’est point le criminel de droit commun qui use de sa violence bestiale ni de sa malice pour usurper le droit des autres et leur pitance déjà maigre,non !c’est le militant conscient de la noblesse de sa cause , qui s’apprête à être occis sur l’autel de tilelli pour que les autres puissent avoir le droit de ne pas avoir honte de leur appartenance identitaire. Le poète engagé dans la lutte de son peuple est prêt à tous les sacrifices,Il est là et prêt à disparaître dans les tréfonds des catacombes des prisons de l’oppresseur pour que sa noble cause puisse jaillir de dessous son cadavre et porter le flambeau de la lumière victorieuse contre les ténèbre pour éclairer le chemin de son peuple dans le labyrinthe de l’Histoire. Le verbe devient une arme contre l’ignorance,contre l’obscurantisme et la décadence dans laquelle est maintenu tout un peuple par la volonté d’un pouvoir despotique indigne qui s’attaque à la dignité humaine d’un peuple épris de liberté et sans laquelle il ne peut exister. Le tranchant du fil des armes assassines ne peut rien contre le verbe tranchant qui lacère les tréfonds de l’inconscience du geôlier et le désigne au regard du monde pour qu’il soit mille fois maudit par tous les esprits avides de liberté et pour que la conscience du monde s’éveille tôt ou tard pour condamner l’oppresseur et ouvrir toutes béantes les portes des cellules devant le poète opprimé .
Le 27/4/08.
Aziz boufous.
Tizi N’Imnayn.
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Notons de prime abord l’omniprésence du geôlier à travers les mots qui le cachent pour mieux le dénoncer. L’incarcération est d’abord décrite en plusieurs étapes annoncées de manière brève par des mots d’une grande simplicité mais aussi d’une grande force de révélation .C’est d’abord le mot « rapt » qui décrit la première étape ,celle de l’enlèvement ,qui ,par définition échappe à toute légalité pour la transgresser et se mettre d’abord ,en tant qu’acte,hors la loi,avant même d’en accuser la victime .C’est à dire qu’avant même que la justice ne décide de l’illégalité des faits reprochés à l’accusé elle se place elle-même hors de cette loi qu’elle prétend défendre .Cela équivaudrait à dire que la justice commence d’abord par être une injustice et ne cessera plus de l’être ,incapable qu’elle est ,après avoir violé ses propres règles,de redevenir ce qu’elle aurait voulu,mais n’a pu être. Ce geste de violence terrorisant s’accapare du corps faute de pouvoir saisir l’esprit ,qui de par sa nature abstraite lui échappe. C’est en vain que le ravisseur tentera de faire plier l’esprit à ses volontés en martyrisant le corps. C’est l’exemple type d’un combat perdu d’avance dans lequel le triomphe est toujours du côté de l’opprimé et dans lequel le plus fort n’est pas toujours le vainqueur. L’Histoire retiendra toujours le nom de l’opprimé tandis qu’elle ne retiendra jamais le nom du bourreau dont le masque de nuit qu’il porte sur sa figure hideuse n’est qu’un symbole des oubliettes dans lesquelles ils sera à jamais révolu. Viendra ensuite le participe passé du verbe ligoter qui décrit l’action humiliante des mains et des pieds liés sans nommer encore une fois l’auteur de l’action. Ce passé participe à occulter d’abord par la grammaire celui qui se cache derrière ses lunettes noires,se croyant invisible dans un monde où son masque lui même le dénonce. La grammaire se plie à la volonté de la victime pour mieux dénoncer le crime du bourreau.
Dans ce poème l’échange entre le geôlier et le poète incarcéré se fait de manière oppressive. L’impératif des verbes donnant des ordres à la victime qui n’a d’autre alternative que de les exécuter,est un mode parfait pour ,encore une fois placer le geôlier derrière le rideau opaque de sa pensée qui n’est là que pour ordonner.L’impératif contribue à ôter tout aspect humain au bourreau pour en faire un simple exécutant.
Le premier verbe à l’impératif « rejoins » ,verbe transitif suivi immédiatement et sans transition par son c.o.d « les criminels » peut être interprété comme une volonté de la part du poète de mettre l’accent sur le caractère individuel de l’emprisonnement ,qui est d’abord vécue par l’individu lui-même dans sa chair et dans ce qu’il a de plus intime ,avant que l’esprit d »e solidarité ne reprenne vite le dessus avec le second verbe à l’impératif qui vient rappeler la dimension commune de l’incarcération .C’est effectivement ce que viendra souligner le verbe « goûtez » dans la phrase « goûtez le pain sans sel »,qui replace le détenu au milieu des siens avec qui il va partager le quotidien amère avec son pain sans sel destiné à avilir le prisonnier et lui enlever toute velléité de révolte ou de protestation.Et s’il fallait absolument rechercher la référence intertextuelle ,nous la trouverions sans peine dans le corpus coranique « goûtez le supplice de l’enfer »,littéralement en Arabe « doukou 3adaaba ljahim »,un sens qui vient s’immiscer dans les interstices phrastiques en ce moment de douleur du poète où l’inconscient profite des moindres failles de la volonté pour refaire surface .
A cet égard il est opportun de signaler la polysémie du mot « sel » qu’évoque le poète. Le sens concret de l’ingrédient culinaire que nous connaissons tous et dont la carence ou l’absence entraîne la fatigue et l’apathie du corps qui devient un amas de viande et d’os incapable de bouger,mais aussi à un niveau métaphorique le sel désigne le plaisir de vivre sans lequel également la vie n’aurait plus aucuns sens.Il s’agirait donc de deux sels ,celui du corps et celui de l’âme et même si le premier est fourni en prison le second en est définitivement banni par la nature même de l’incarcération ,d’autant plus que la cause est noble et que le motif même de cette incarcération est la recherche, voire la lutte et le militantisme pour cette liberté « tilelli » qui a le goût de ce sel qui manque ,même après la libération du poète détenu lorsque celle si ne prend pas le sens de la liberté de son peuple amazigh du joug de l’oppression. C’est cet « esprit de sel » qui va s’écouler du texte poétique, matière abrasive et brûlante dont chaque mot est imbibé jusqu à ne plus soif et qui va s’infiltrer par toutes les anfractuosités et tous les interstices de la geôle pour étouffer par ses relents âcres et étouffants tous ceux qui viendront s’intercaler entre le poète et la liberté.
La lutte identitaire qui vient s’identifier place le poète encore une fois si besoin est ,dans le communautaire. Ce n’est point le criminel de droit commun qui use de sa violence bestiale ni de sa malice pour usurper le droit des autres et leur pitance déjà maigre,non !c’est le militant conscient de la noblesse de sa cause , qui s’apprête à être occis sur l’autel de tilelli pour que les autres puissent avoir le droit de ne pas avoir honte de leur appartenance identitaire. Le poète engagé dans la lutte de son peuple est prêt à tous les sacrifices,Il est là et prêt à disparaître dans les tréfonds des catacombes des prisons de l’oppresseur pour que sa noble cause puisse jaillir de dessous son cadavre et porter le flambeau de la lumière victorieuse contre les ténèbre pour éclairer le chemin de son peuple dans le labyrinthe de l’Histoire. Le verbe devient une arme contre l’ignorance,contre l’obscurantisme et la décadence dans laquelle est maintenu tout un peuple par la volonté d’un pouvoir despotique indigne qui s’attaque à la dignité humaine d’un peuple épris de liberté et sans laquelle il ne peut exister. Le tranchant du fil des armes assassines ne peut rien contre le verbe tranchant qui lacère les tréfonds de l’inconscience du geôlier et le désigne au regard du monde pour qu’il soit mille fois maudit par tous les esprits avides de liberté et pour que la conscience du monde s’éveille tôt ou tard pour condamner l’oppresseur et ouvrir toutes béantes les portes des cellules devant le poète opprimé .
Le 27/4/08.
Aziz boufous.
Tizi N’Imnayn.
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