La moisson des fèves de l'ombre.

Lorsque M.Lihi disait qu'il faut orienter le travail vers le peuple qui est son destinataire naturel(1) , il mettait consciemment le doigt sur une blessure qui commençait justement à s'infecter au point de rendre caducs tous les remèdes qu'on pourrait lui préconiser.Cette blessure se trouve être cette énorme fosse béante qui sépare les tenants d'un militantisme culturel ,de nature exclusivement intellectuelle,de leurs bases naturelles que représentent les Imazighen des couches sociales laborieuses et démunies qui forment cette masse des laissés pour compte de tous les discours pompeux qui refaisaient le monde sans les mettre en équation.Il est donc temps que ces pauvres qui ont doublement été bernés: dans un premier temps par un système idéologique raciste et xénophobe qui ne voyait en eux que de la chair à canon abondante pour ses différentes guerres perdues,puis par une intelligentsia issue de son sein mais qui une fois arrivée s'empressait de jurer une allégeance et obéissance aveugle à ses maîtres et reniait le lait maternel tété goulûment aux mamelles prolifiques de Tamazgha.

Napoléon dans un adage qui l'a fait passer à la postérité dans nos mémoires ,plus peut-être que la bataille Austerlitz,disait "protégez moi de mes amis,mes ennemis je m'en charge!" ,cette parole célèbre illustre bien le danger qui guette toute cause ,si juste que puisse -t-elle se prétendre ,dés que ses propres défenseurs ont ce don caméléonien,inspiré de Machiavel, qui consiste à changer de chemise aux premières lueurs de l'aube.

La cause Amazigh s'impose d'elle même comme cela a toujours été son destin
au cours des millénaires.Indomptable telles les crêtes des Atlas elle ressuscite en phénix immortel à chaque période où l'oppression devient insurmontable.véritable sismographe social elle témoigne à chaque fois qu'elle se réveille d'un besoin de liberté d'un peuple asphyxié aux larmes ,par un régime oppresseur qui ne laisserait plus d'autre alternative que la révolte.La résurgence actuelle n'échappe pas à cette loi ,mais ce qui la caractérise tout en faisant sa force est justement ce retour à ses sources populaires sans lesquelles elle se trouverait coupée de ses bases naturelles qui sont sa raison d'être.Une cause défendue par une élite gavée de "Bstila" et de promesses passées aux liqueurs spiritueuses ne peut prétendre aucunement à aucune forme de légitimité.La véritable lutte est d'abord l'oeuvre de ceux qui n'ont rien et par conséquent rien à perdre et qui ,seuls peuvent mener un combat acharné pour que leur soit restituée leur terre,leur eau et leur dignité perdues .

L'histoire nous apprend que les guerres sont faites par les braves mais sont gagnées par les lâches .Il est temps que les fils des braves reprennent le flambeau de leurs pères exécutés par les balles des traîtres qui se sont accaparés longtemps toutes les richesses et laissé les autres se morfondre dans la misère des terres incultes.Mais pour ce faire le cri doit émaner du fond des gorges les plus éloignées ,des tréfonds des entrailles de cette terre irriguée à satiété par le sang innocent du peuple marocain trahi par les démagogues de tous bords qui flattaient sa bravoure pour mieux le saigner aux quatre veines.De plus cette lutte sans merci, pour garantir son succès ,doit être nécessairement un combat de longue haleine

Cependant,aussi paradoxal que cela puisse paraître cette lutte ne se fait contre personne mais contre soi même.D'abord contre tous les facteurs d'inertie qui ont traîtreusement gardé en léthargie profonde les forces vives de Tamazgha ,en leur faisant miroiter,puis célèbrer une victoire bâtarde qui n'était aucunement la leur .Contre tous ces vieux hiboux alliés des impérialismes ,venus briser l'élan des braves pour que domine la lâcheté ,la médiocrité,le despotisme et le népotisme dans toute leur atrocité.Contre les caméléons vernis d'Amazighité qui n'attendent que de tourner le coin de Balima(2) pour changer de peau ,sécher leurs larmes de sauriens et s'affaler en soubrettes devant leurs maîtres de crainte de perdre les gadgets et autres bénéfices ,qui sont le prix de leur félonie et sont leur véritable raison d'être.Et enfin contre toute pensée négationniste qui prétendrait séparer ce peuple sous des prétextes aussi barbares que ceux qui ont servi à nous marginaliser nous mêmes au profit de notre unique ennemi commun,en l'occurrence l'esprit arabocrate hégémoniste ,Amazighophage et raciste qui ne voit en ce peuple que des primates en rut à l'esprit qui chavire au moindre son de violoncelle.

Basta!!Il n'est dit nulle part,dans quelque livre ,sacré ou non, que nos corps devraient ,pour toute l'éternité ,servir de passerelles pour tous ceux qui désirent émerger des fanges de l'histoire!

par: Aziz Boufous

(1)Mohammed Lihi,"le mouvement Amazigh au Maroc:analyse de la situation actuelle",in
Amazighworld.org le 17/5/2008.
(2) célèbre hôtel de la capitale.